Dans le cadre de la réalisation de notre dernier Livre Blanc « L’adoption du SIRH dans les organisations – Focus sur le support utilisateur », 5 freins majeurs à l’adoption ont été constatés durant les entretiens menés auprès de 21 professionnels RH et SIRH.
En effet, après une étude quantitative (questionnaire Baromètre de l’adoption du SIRH) auprès de 65 professionnels du SIRH, une étude qualitative a été conduite auprès de volontaires.
Les entretiens ont été menés par 6 étudiantes de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, collaboratrice du Livre blanc.
Une mauvaise approche de la conduite du changement
“Tant que l’on n’adopte pas, des résistances vont être observées.” – Aïcha Mogharbi (Cheffe de projet MOA SI Paie d’une entreprise de détail d’habillement en magasin spécialisé)
La résistance au changement est le premier frein à l’adoption. Il s’agit bien sûr d’un classique, connu de tous. Qui dit adoption dit conduite du changement pour dépasser les résistances (voir l’édition 2022 de notre Livre Blanc). Mais l’on s’aperçoit que le sujet de l’accompagnement au changement n’est pas toujours bien traité, alors que la problématique est connue depuis bien des années.
L’accompagnement au changement est pourtant en première ligne des dépriorisations dans certains projets, alors que nos répondants s’accordent à dire qu’il est clé, et devrait au contraire être priorisé et se voir attribuer plus de budget et ressources.
Gérald Chiron (Directeur du service SIRH chez Gagneraud) le confirme : “Le plus important dans la mise en place d’un outil SIRH, quel qu’il soit, quelle que soit la thématique, c’est l’accompagnement. Et c’est souvent la partie qu’on a tendance à oublier et où on met le moins d’argent, alors que c’est une erreur. C’est peut-être là où il faudrait en mettre le plus.”
Il faut, comme le détaille Laure Bontemps (Directrice SIRH, Data office et projets de transformation Groupe chez Veepee) “Poser le constat que le monde et la technologie évoluent plus vite que les Hommes ont la capacité de se changer eux-mêmes au même rythme“.
Et au-delà de l’outil, ce sont d’abord les processus métiers RH qu’il faut faire adopter. Laure Bontemps parle ainsi d’une pensée systémique sur la problématique d’adoption.
Ce frein de résistance au changement est connu de tout projet.
Développons à présent les 4 freins sur lesquels les professionnels interrogés ont insisté dans cette édition 2024 :
- Un manque de volonté au changement des utilisateurs,
- Une appétence au digital disparate,
- Un manque d’implication des parties prenantes dans les projets,
- Ou encore des défauts applicatifs.
Un manque de volonté au changement
La résistance au changement est un frein observé dans tous les projets. Il faut porter notre attention sur les personnes présentes avant le changement et qui vont le subir en voyant leurs habitudes modifiées. Ainsi, enlever toute résistance liée au passage au digital, et éviter le fameux “C’était mieux avant“.
Néanmoins, nous notons dans ce nouveau Baromètre de l’adoption du SIRH un degré supérieur de résistance : un manque de volonté à changer, voire un refus catégorique de le faire. Pour quelles raisons ?
Tout d’abord, Laure Bontemps indique qu’un biais du status quo, une complétude dans l’ancien outil, favorise cette opposition.
Aïcha Mogharbi indique également que : “Certains utilisateurs ne sont pas prêts à faire des efforts, car la situation actuelle leur plaît et qu’ils ne veulent pas trop que leur mode de vie change.”
Cela expliquerait peut-être une tendance/déformation d’aller vers le support plutôt qu’une conduite du changement complète.
Cependant, cette raison de manque de temps dissimule dans certains cas un manque de volonté à prendre ce temps pour changer ses pratiques et bénéficier de la valeur ajoutée du nouvel outil.
La dérive, comme l’a indiqué Geoffroy Lacan (Directeur Digital RH chez VINCI Construction), c’est un contournement des nouvelles méthodes et outils au profit des anciennes, quitte à faire des erreurs dans le nouvel outil et impacter la qualité des données.
Selon le Directeur SIRH d’une grande entreprise du secteur du luxe, le manque de volonté au changement le plus flagrant provient des utilisateurs qui peuvent s’opposer de manière systématique à l’adoption des nouveaux outils, quelles que soient les circonstances : “Certaines personnes sont d’office dans une démarche de détracteurs, l’opposé de l’adoption, ne voulant pas utiliser mais critiquant à tout va.”
Bamori Sanogo (Responsable SIRH dans une Grande entreprise) complète cette idée : “Certains font un refus philosophique par principe.”
Enfin, la nécessité d’un leadership pour insuffler le changement, en particulier dans les organisations décentralisées, est rappelée par Geoffroy Lacan et confirmée par Ingrid Manoury-Patras (Group HR Digital Solution Function Manager d’un Grand groupe international français), avec un accent mis sur le rôle important des managers et du RH : “Ça dépend de l’appétence au digital des managers qui va challenger ou non ses équipes à se servir des outils, du RH aussi qui est le 1er ambassadeur : il faut qu’il intègre que le SIRH est son outil de travail et que pour faire un bon outil de travail, il faut de bons utilisateurs. En tant qu’ambassadeur, il est censé le marketer au maximum.”
Une appétence au digital disparate
“L’appropriation est à géométrie variable en fonction des sujets et de l’appétence des uns et des autres.” – Jacques Coffinières (Responsable du service SIRH Groupe chez Cerba HealthCare)
Dans l’édition 2022, le manque d’appétence au digital, c’est-à-dire l’attrait et l’aisance des utilisateurs vis-à-vis des outils digitaux, avait été identifié comme un facteur freinant l’adoption des solutions SIRH.
Chloé Longuet (Chargée de projets SIRH et d’études RH chez GRTgaz) : “Il y a une part individuelle. On va avoir des personnes ayant de l’appétence pour les outils informatiques, sans difficulté à prendre en main un nouvel outil et qui vont vite s’y faire. Et d’autres pour qui ça va être un peu plus compliqué.”
Un constat est posé : les résistances à la digitalisation des processus du travail sont portées par une grande diversité de collaborateurs, managers compris. Le manque d’appétence du manager a naturellement un impact plus important car il devrait être le moteur du changement auprès de ses équipes.
Cette appétence n’est pas toujours corrélée à la pyramide des âges. Ainsi, Bamori Sanogo et Nathalie Rubinsztajn (Responsable du RUN Digital RH pour VINCI Construction), face au retard de l’agilité digitale, nous décrivent des profils opposés en termes d’âges.
D’autres pistes ont été évoquées par Gérald Chiron comme la maîtrise du français et l’illectronisme, c’est-à-dire le manque de connaissances quant au fonctionnement des outils informatiques.
Un manque d’implication des parties prenantes dans les projets
Pour réussir l’adoption d’un nouvel outil RH, une collaboration étroite entre les équipes SIRH, RH et les utilisateurs finaux est indispensable. L’objectif est de bien comprendre les besoins des différentes parties prenantes afin de maximiser les bénéfices apportés par les nouvelles technologies, tout en réduisant les réticences et en garantissant une expérience utilisateur satisfaisante.
À l’inverse, la sous-implication des parties prenantes constitue un frein majeur à l’adoption. Cela se traduit par une absence de prise en compte des besoins réels, aboutissant à des outils peu performants pour les utilisateurs finaux. N’ayant pas été consultés ni écoutés, mais contraints d’utiliser ces outils, ils seront frustrés, insatisfaits et ne les adopteront que partiellement. Rappelons ici que le verbe “adopter” vient du latin “adoptare” qui signifie “choisir”. Imposer un choix d’outil est contradictoire avec cette volonté d’adoption.
Les propos d’Eric Renevier (Directeur de projet MOA au sein de la sous-direction SIRH de la Direction des Ressources Humaines du ministère des armées) résument le point de vue de nombreux interviewés : “La conduite du changement ce n’est pas seulement de la communication et de la formation. C’est beaucoup plus large. Cela tient en particulier beaucoup à l’engagement des parties prenantes. Dès l’avant-projet on doit identifier toutes les parties prenantes au sein de l’organisation et au-delà, qui sont concernées par le futur SIRH. (…) Quand on a participé à la réalisation de quelque chose, on y est forcément plus attaché, cela participe beaucoup à faciliter l’adhésion.”
Christophe Quaranta (Responsable AMOA et SIRH Paie France chez Air France) insiste particulièrement sur l’importance de l’implication des utilisateurs finaux : “Votre meilleur allié, celui qui validera votre projet à la fin, c’est l’utilisateur.”
D’autant que l’acceptation du changement dépend des pairs. Les utilisateurs ambassadeurs et relais des bonnes pratiques doivent être informés de leurs rôles et impliqués suffisamment en amont. Les équipes RH métiers et les managers jouent également un rôle crucial dans l’adoption du SIRH. Ils sont des relais locaux essentiels pour diffuser les formations et les messages à leurs équipes, répondre à leurs questions suite aux formations, et ce, en complément des dispositifs déjà mis à leur disposition.
Pauline Lucas : “Il faut impliquer les utilisateurs, les former, notamment les managers s’ils doivent ensuite former leurs équipes. Les managers sont les vecteurs des bonnes pratiques de l’entreprise. S’ils ne sont pas dans la boucle, ils n’utiliseront pas l’outil, donc les utilisateurs en dessous non plus.”
Il en est de même dans les organisations internationales ou géographiquement très éclatées.
Une défaillance de paramétrage des outils
Comme en 2022, les répondants confirment l’existence de freins à l’adoption inhérents aux outils SIRH eux-mêmes. Cependant, de nouveaux points ont été mis en lumière cette année.
Au-delà d’un manque de simplicité, d’intuitivité ou de la présence de limitations technico-fonctionnelles des outils, un décalage est observé entre les objectifs escomptés et les résultats réellement obtenus avec ces solutions. Cet écart pourrait s’expliquer par des études de choix d’outils menées de manière trop superficielle, ou par le non-respect des promesses formulées par les éditeurs. A noter que les rapports de force dans l’organisation ne sont pas propices à des choix optimisés.
Le paramétrage de la solution choisie est également un point clé. Copier-coller les paramétrages de l’ancien outil sur le nouveau aboutit rarement à un bon choix. L’objectif numéro un d’un changement applicatif étant pourtant d’apporter des améliorations.
Car le résultat est sans appel : les outils ne seront pas en phase avec les besoins du métier ou les spécificités de l’organisation.
Eric Renevier : “La préparation en amont et pendant le projet sont importantes. On peut difficilement compenser l’une par l’autre. Cela englobe beaucoup de choses, en particulier une réflexion à faire sur le process existant : bien comprendre quels sont les process actuels, les modéliser, pour comprendre comment est-ce que l’on fonctionne aujourd’hui, identifier où sont les pistes d’amélioration, nos particularités incontournables que le futur outil devra obligatoirement être en mesure de prendre en compte également. Cette préparation implique de faire un bon sourcing, d’identifier la solution adéquate par rapport à nos besoins, par rapport à nos particularités.”
Ces décalages mènent à des reparamétrages chronophages et coûteux.
La confiance en l’outil n’est pas au rendez-vous du fait de leur non-performance.
Parfois, dans des phases de post-démarrage, des anomalies ou bugs peuvent apparaître. Cela va ralentir l’exécution des processus par les utilisateurs, et contribuer à l’insatisfaction et à une mauvaise adoption.
Eric Renevier confirme qu’en cas de régression du nouvel outil, des impacts négatifs en termes de satisfaction et d’appropriation peuvent être observés.
Quelle solution mettre en place pour lever ces freins et sécuriser l’adoption du SIRH et des processus ?
Pour aller plus loin dans votre projet et votre démarche d’adoption du SIRH, nous avons réalisé un Livre Blanc complet sur le sujet, que vous pouvez télécharger gratuitement en cliquant sur ce lien.
Vous y découvrirez les témoignages de 21 professionnels RH et SIRH sur les freins évoqués dans cet article, ainsi que 3 facteurs clés de succès ressortis du Livre blanc :
- Un accompagnement au changement préparé et renforcé
- Une amélioration continue de l’outil, car le projet ne s’arrête pas au déploiement
- L’intégration de l’Intelligence Artificielle dans les projets