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Le numérique. Le digital. Voici un thème actuel largement abordé dans de nombreuses conférences, articles (dont celui que vous êtes en train de lire !), et que s’accaparent maintenant les grandes entreprises françaises comme en témoignent les annonces récentes d’Axa, Accor ou encore Société Générale .

Au vu des montants d’investissements annoncés et l’ampleur des programmes mis en œuvre dans une période considérée comme une période de crise, il faut considérer qu’il s’agit bien d’un mouvement profond, qui impacte très lourdement les entreprises qui l’engagent.

Essayons d’y apporter un éclairage.

Au tout début était : la dématérialisation

Tout d’abord, il ne s’agit que de la continuité d’un mouvement plus ancien : la dématérialisation. La numérisation, c’est d’abord le passage au zéro papier. Son origine provient des premiers emails et des premiers réseaux électroniques mondiaux (le tout début d’Internet – fin des années 90) qui ont permis la transmission électronique rapide de documents au sein des entreprises.

Ce mouvement n’a depuis fait que progresser et s’accélérer. Il est maintenant banal d’avoir des factures électroniques. Pour les entreprises, c’est clairement un gain de productivité et cela permet de fiabiliser les échanges avec les clients et fournisseurs, tout en apportant une caution écologique (moins de papier) dans l’air du temps. Une entreprise qui n’émet pas de facture au format électronique est aujourd’hui considérée comme désuète.

La dématérialisation a induit des changements dans l’entreprise, mais souvent localisé au niveau des back-offices comptables ou clients. Perçue comme un progrès technique, elle n’a cependant pas transformé de manière révolutionnaire les entreprises. Elle les a aidés à réduire leurs coûts de manière très efficace cependant.

De la dématérialisation au digital grâce aux progrès spectaculaires de l’informatique

Le numérique et le digital ne sont que la poursuite de la volonté de dématérialiser. Mais pourquoi parle-t-on alors de digital ou du tout numérique et non pas de dématérialisation ? Pourquoi cette ampleur du phénomène ? Un facteur majeur est venu provoquer ce changement : le progrès spectaculaire des technologies informatiques.

En vingt ans, nous sommes passés de l’envoi de messages textes depuis un ordinateur de bureau au visionnage de vidéos depuis un Smartphone, quelle que soit votre localisation. Le réseau sans-fil, les capacités de calcul, la fiabilité globale de ces technologies permettent leur arrivée massive dans les entreprises.

Mais il ne s’agit pas seulement d’un progrès technologique spectaculaire. Ces technologies provoquent un changement des habitudes et des usages. D’une part, car la technologie est plus accessible et moins chère. L’ordinateur est partout et multi-formes : Smartphone, tablettes, portables, et l’on parle maintenant d’objets connectés. Quelle transformation par exemple pour un chauffeur-livreur d’avoir un GPS pour optimiser ses tournées, et de disposer d’une tablette portable pour faire signer ses bons de livraison !

Ensuite, car la technologie est moins… technique. Ou plutôt que de nouveaux acteurs sont apparus, avec une approche masquant la complexité technique et favorisant l’usage et l’expérience utilisateur. Apple, Google, Amazon et Facebook en sont les fers de lance. Ces acteurs, en mettant de côté le cas particulier d’Apple (qui existait avant), ne sont pas devenus numériques. Ils sont nés numériques. Ils n’ont pas eu besoin de se transformer.

Ce n’est pas un hasard si Amazon, connu par le grand public comme hypermarché en ligne géant, doit son succès à ses processus logistiques ultra-informatisés (donc numérisés), et à son infrastructure informatique… dont il a fait une activité à part entière (Amazon Web Services). Nous parlons donc d’acteurs dont la raison de vivre est numérique.

Enfin, cette nouvelle technologie n’a plus de frontières. Il existe des développeurs informatiques dans le monde entier. En Afrique, les pays en retard sur leurs infrastructures par rapport au monde occidental sont passés directement au téléphone portable sans passer par la case “téléphone fixe”.

Cette démocratisation de l’informatique favorise également l’éclosion d’une multitude de start-ups (la France n’est pas lésée en la matière), à l’origine de nouveaux services, usages et surtout de nouveaux “business models” (modèles économiques).

La transformation numérique = de nouveaux business models

De nouveaux business models. C’est bien la clé de cette transformation numérique.

Des business models où on ne paie qu’à l’usage comme on paie l’électricité : principe du Cloud computing / des applications SaaS – Software As a Service.

Des busines models où la création de richesse ne provient pas de votre entreprise, mais de votre écosystème : le fameux magasin d’application App Store d’Apple.

Des business models où on ne vend pas un produit, mais où l’enjeu est d’avoir une plateforme concentrant un maximum d’audience et de trafic à exposer à de la publicité : Google ou Facebook.

Se réinventer

Les grandes entreprises “traditionnelles”, voyant leurs territoires et chiffres d’affaires rognés par ces nouveaux acteurs n’ont plus le choix que de se transformer, parfois poussées par leurs investisseurs à la recherche d’un meilleur rendement. Mais il ne s’agit pas d’un simple changement technologique (la dématérialisation), c’est leur business model qui est remis en cause. Leurs clients réclament de nouveaux services, plus de simplicité, de l’efficacité, parfois des prix beaucoup moins élevés. Elles doivent se réinventer.

En France, le groupe La Poste est un formidable exemple de transformation et de réinvention. Cette veille dame a su dématérialiser son activité courrier basée essentiellement sur le papier, d’abord en créant un service d’email gratuit @laposte.net ! Aujourd’hui, vous pouvez aller plus loin en envoyant un recommandé en ligne. Acheter un timbre ne se fait plus au guichet, mais auprès d’un automate, qui vous envoie votre facture directement par email.

Mais tous les secteurs n’ont pas su anticiper de la même façon. Les banques en ligne mettent à mal la raison d’être des agences “physiques”. Les constructeurs automobiles doivent faire face à Tesla, voiture électrique ultra-connectée. Même des entreprises récentes comme les opérateurs de téléphonie mobile souffrent face à un acteur plus agile comme Free, car elles n’ont pas la culture du numérique.

Aucun secteur n’est épargné. Lire à ce sujet l’article de Marc Andreesen “Why Software is eating the world”.

La culture start-up sauvera-t-elle les grandes entreprises ?

Face à ce constat, les grandes entreprises bougent : investissement dans des start-ups (corporate ventures) ou rachat de start-ups prometteuses, programme interne ou externe d’innovation, création de postes de Chief Digital Officer qui pilote de manière transverse toutes les initiatives numériques, sponsoring d’évènements de développeurs (hackatons). Au vu des exemples cités plus haut (Axa, Accor, etc.), l’objectif est de faire rentrer le numérique dans la culture de l’entreprise. Repenser autrement, se réinventer.

Certaines tâtonnent plus que d’autres et n’ont pas le même niveau de maturité sur le sujet. La raison en est très simple. La transformation numérique, c’est trouver un nouveau business model. Et cela, toutes les start-ups vous le diront. Cela prend du temps, demande de multiples itérations et de fortes remises en cause. Pas évident lorsque votre grande entreprise gagne beaucoup d’argent et vit sur le même modèle depuis des dizaines d’années.

Et n’oublions pas que le succès de Facebook, Google, Apple et autres Amazon ne s’est pas fait en un jour (l’excellent film retraçant la genèse de Facebook, “The Social Network”, le montre assez bien).

Se transformer, c’est trouver un nouveau business model

Alors pour ces entreprises déjà grandes, l’enjeu de la transformation numérique c’est d’abord d’apprendre à apprendre à trouver son nouveau business model. Comme des start-ups dont elles tentent de s’inspirer, elles doivent adopter une démarche itérative, fortement impactée par l’avancée des progrès technologiques qu’elles doivent suivre.

… puis de recommencer pour entrer dans le changement permanent

Et comme “on n’arrête pas le progrès”, l’enjeu n’est pas seulement de se transformer, mais bien d’être capable de se transformer de façon permanente. Car rien ne garantit que leur nouveau business model ne sera pas mis à mal par une nouvelle start-up.

Les grandes entreprises rentrent donc dans un cycle de transformation et donc de changement permanent. Jusqu’à quand ? Peut-être quand la vitesse des avancées technologiques diminuera. Ce n’est sûrement pas pour tout de suite.

Tribune rédigée par Toan Nguyen, PDG de Shortways