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Loïc Le Morlec a eu de multiples casquettes : contrôleur de gestion, Directeur Supply Chain puis Directeur des Opérations et enfin dirigeant de transition. Il a trois implémentations de l’ERP SAP à son actif. Son leitmotiv aujourd’hui, responsabiliser les Hommes. Avec un ERP, machine à process, il est encore possible d’engager ses collaborateurs et mettre l’Homme en avant : un Homme non plus au service de l’outil ERP mais un Homme qui utilise l’outil ERP. Un vrai changement de paradigme pour le management d’aujourd’hui et pour tout projet ERP…

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Parlez-nous de vos expériences de déploiement de l’ERP SAP

J’ai découvert l’ERP SAP dans les années 90, le début de SAP. Contrôleur de gestion, on m’a proposé de gérer le déploiement de l’ERP SAP sur la partie Logistique et Commerciale. Je ne connaissais rien à ce métier, ni à l’informatique, et le projet était déjà en retard de six mois, pour un déploiement dans les six mois. Mais c’est justement grâce à mon regard extérieur sur le métier et l’opérationnel qu’on a réussi ce déploiement !

Avoir une vision externe et neutre, a permis de remettre en question les choses établies et d’aller vers l’essentiel, malgré le peu de temps dont nous disposions. Cela a été une des clés du succès. Surtout j’ai laissé faire les 2 analystes programmeurs, non pas par altruisme, mais parce que je n’avais pas le choix. J’ai bien essayé une fois ou 2 d’appliquer le modèle de  conduite de gestion de projet classique type 100% process demandé par mon boss. Il y avait trop de retard, contrôler des tâches ne me correspondait pas et de toute façon je n’y comprenais rien. J’ai du leur faire confiance, c’était en soi facile car Isabelle et Chad aussi différents l’un de l’autre avaient à la fois la compétence et un engagement hors pair. Il y a toujours une part  de chance à saisir dans les projets, cette part de chance c’était eux.

J’ai expérimenté ici une des facettes du manager, qui est d’être au service de, ou facilitateur, et il y avait du travail pour convaincre le Métier de changer. J’ai appris récemment que la façon dont nous avions traité le projet correspond aujourd’hui à ce qu’on nomme l’Agilité. Cette aventure a surtout été fondatrice dans ma vision de la gestion des Hommes. C’est là la véritable clé du succès de ce projet considéré comme impossible au départ.

Pour mon second projet de mise en place de l’ERP SAP, j’étais mandaté pour un déploiement européen. Difficile de combiner les différents process et particularités de chaque pays, mais nous avons réussi. Nous avons déployé un système ERP qui respectait les standards, du 100% SAP ! Un bel exploit informatique, qui nous a valu d’être Centre d’Excellence  SAP ! Pourtant c’était bien plus compliqué à appliquer au niveau des opérationnels, ils ont dû apprendre à se passer de ce dont ils avaient besoin. Il a fallu leur expliquer et les persuader que le “Must-Have”, ils l’auraient, mais le “Nice-to-Have”, ils devraient s’en passer (le message officiel étant : «  on verra le Nice-to-Have après le démarrage »). C’était comme ça et pas autrement, et ça a fonctionné ! L’entreprise a réduit ses coûts informatiques grâce à l’ERP mais au détriment de l’engagement de ses collaborateurs et de leur propre performance!

Les standards des ERP amènent à un désengagement des collaborateurs ?

Je suis convaincu, de par mes expériences et les nombreux échanges que j’ai pu avoir, que le désengagement global que l’on observe aujourd’hui, notamment dans les grands groupes, provient de ce management par les process, poussés par les ERP, qui conduit à déresponsabiliser les collaborateurs. Avec un ERP, le collaborateur ne gère qu’une partie d’un flux, d’un process, il doit suivre les “bonnes pratiques” définies par cet outil. Il perd toute initiative et créativité, générant cette déresponsabilisation qui conduit au désengagement !

La conduite du changement peut-elle permettre d’engager ces collaborateurs ?

Il y a de la conduite du changement dans tout projet ERP mais cela arrive bien trop tard, en plein milieu du projet ou une fois l’ERP déployé. Il faudrait que cette réflexion, ce management du changement intervienne bien avant le projet ERP. La question qui doit se poser c’est : est-ce que vous mettez en place l’ERP SAP pour avoir un minimum de coût informatique ? Ou pour mettre en place un outil au service des collaborateurs au service de la performance de l’entreprise ?

Dans un projet ERP, vous vous retrouvez entre l’informatique qui souhaite pousser du 100% standards SAP pour se simplifier la vie, des intégrateurs et consultants qui souhaitent facturer un maximum de journées et des opérationnels qui sont perdus, pressés par le temps et qui n’ont pas en main tous les éléments pour exprimer leurs besoins. Budgets et délais dépassés, cercle vicieux de tout projet SAP alors que tout cela aurait pu être anticipé avec un projet de conduite du changement antérieur au projet ERP lui-même.

Lors d’un de mes projets ERP, dans un grand groupe de nutrition, nous avons déployé l’ERP SAP avec un objectif de performance pour l’entreprise. Nous avions une logique d’outil au service des utilisateurs, ce n’était pas du 100% SAP et non seulement le projet a été un succès mais surtout les utilisateurs qui avaient le plus besoin d’outils experts (prévisions de ventes planning) ont pu bénéficier des logiciels les mieux adaptés à leur métier.

J’ai demandé récemment à un ami qui déploie SAP dans son groupe au niveau mondial, à quelle étape du projet ils intégraient le change. Sa réponse a été «  On n’intègre même plus la partie change » : édifiant !

ERP SAP : logique de baisse des coûts et logique de performance sont incompatibles ?

Du 100% SAP n’est pas fait pour être au service des utilisateurs, à moins qu’ils soient tous des experts, ce qui est impossible ! La priorité doit être l’utilisateur. Il faudrait inverser ou plutôt remettre dans l’ordre : l’outil est au service de l’Homme pas l’inverse. Je suis gaucher et pour donner une image, les ERP m’ont appris à me passer de ma main gauche alors que la meilleure performance d’une équipe de double est d’avoir un droitier et un gaucher ensemble.

Quelles sont les bonnes pratiques à retenir quand on veut déployer / monter en version un ERP ?

Faire un avant-projet ERP autour de la conduite du changement et du nettoyage des  bases de données de l’entreprise si celles-ci  ont un volume important.

Avoir un regard neutre sur les besoins des opérationnels, faire des benchmarks (aller voir ce qui se fait ailleurs), non pas seulement auprès des directeurs informatiques et des DAF, mais surtout auprès de ses homologues métiers. Comparer, avoir des retours d’expériences, s’en inspirer et adapter le tout à son propre projet ERP.

Responsabiliser les opérationnels. L’ERP est leur outil et non celui de l’informatique. Si vous avez un problème sur votre ERP SAP, analysez-le et ensuite seulement vous allez voir l’informatique, ça fera toute la différence ! ils seront en soutien et non pas les coupables.

Aujourd’hui, la clé de tout projet ERP, informatique et même managérial, c’est de responsabiliser les Hommes. Quand vous faites confiance, vous obtenez le meilleur de chacun, plus que n’importe quel outil (ERP) peut vous offrir. Et c’est sans commune mesure !

Merci à Loïc Le Morlec pour son témoignage.

C’est à votre tour de réagir par commentaire : comment abordez-vous la conduite du changement autour de votre projet ERP ? Quelle place tient l’Homme dans ce projet ? A vos claviers 😉